Soignez votre foulée

Par Jean-Pierre de Mondenard - Médecin du sport

Vous avez un problème lié à la course à pied tel que tendinites d’Achille, du jambier postérieur ou du poplité (1), une périostite (2), un syndrome rotulien, un névrome de Morton (3), une fasciite plantaire (4), etc., toutes ces pathologies peuvent être franchement améliorées par le port de semelles orthopédiques ou orthèse plantaires personnalisées. Les dispositifs orthopédiques sont des supports disposés dans la chaussure de course afin de compenser les problèmes biomécaniques et ainsi d’empêcher les mouvements anormaux du pied et de l’extrémité inférieure de la jambe.
Environ un tiers des patients consultant un centre de médecine du sport pour une douleur liée à une activité pédestre de course ont bénéficié d’une correction orthopédique.

La preuve par onze

Voici quelques conseils pour que cet accessoire souvent indispensable vous apporte une efficacité maximale.

1. Consulter un podologue ayant l’habitude d’utiliser des matériaux adaptés au sport et, plus particulièrement, au running (contraintes mécaniques et transpiration). S’il pratique lui-même la course à pied, c’est encore mieux.

2. Se méfier, lors de la prise du rendez-vous chez le spécialiste, si ce dernier ne demande pas d’apporter les runnings usagées lors de la première consultation. L’examen des anciennes chaussures est souvent beaucoup plus révélateur de l’origine de votre problème que l’examen des pieds sur un podoscope.

3. Ces semelles sont faites par le podologue, sur mesure, à la morphologie de vos pieds. Cependant, elles peuvent éventuellement nécessiter quelques « retouches ». Ne pas hésiter à en parler au podologue, il les ajustera sans problème.

4. Surtout ne pas oublier d’enlever, dans les runnings les semelles de propreté le plus souvent amovibles avant d’y glisser celles faites sur mesure. Si elles sont fixées à l’intérieur, il faut les décoller ou couper au cutter le renfort de voûte.

5. Ne jamais courir avec des semelles neuves dans des runnings usagées ou déformées

6. Si plusieurs paires de runnings sont utilisées, il faut soit s’assurer que les orthèses rentrent parfaitement dans chaque chaussure. Si elles sont trop à l’étroit, elle se redressent – notamment au niveau des orteils ou du talon – et modifieront la qualité du contrôle plantaire. De même, si elles sont trop petites, elles glisseront vers l’avant, altérant la correction plantaire qui sera alors souvent inefficace. La parade : placer une pastille velcro double-face entre les talons de la chaussure et de la semelle.

7. Durant les dix à quinze premiers jours après leur mise en service, ne pas courir. Les appuis plantaires étant différents, ampoules et échauffements se manifesteraient sans tarder. Il est donc sage de les porter dans la vie de tous les jours, de marcher régulièrement avec, puis d’aborder la course progressivement. Si, malgré les précautions prises, une ampoule se forme, poser dessus une noix de Crème anti-frottement spéciale cuissard d’Overstim.s® protégée par un sparadrap. La marche continuera ainsi à être possible.

8. La durée de vie d’une paire de semelles pour les runnings est d’environ un an. Il est conseillé de les renouveler régulièrement avant qu’elles ne soient « inaptes », favorisant alors d’autres tensions, sources de douleurs. Pour cela, une nouvelle prescription du médecin est obligatoire pour en assurer le remboursement par la Sécurité sociale. Cette ordonnance ne peut se faire sur simple appel téléphonique. La morphologie du sujet, ses problèmes physiques, etc. évoluent ; le médecin doit les évaluer à nouveau et faire modifier éventuellement les nouvelles semelles. Il ne peut le faire qu’en revoyant le patient en consultation.

9. Lorsque des douleurs de course ont été résolues par des orthèses plantaires, il faut être vigilant si au bout d’un certain temps – généralement un an – des algies (5) sans raison particulière apparaissent à nouveau au même endroit mais pas forcément ; elles peuvent se manifester à distance. C’est le signal qu’il faut renouveler ces « garnitures intérieures ». Dans le même temps, il est pertinent de changer les chaussures de course. Car, nous le répétons, des semelles orthopédiques dans des runnings usagées ou déformées sont au minimum inefficaces mais peuvent également générer des blessures.

10. Lors de l’achat de nouvelles runnings,se munir de ses orthèses plantaires et d’une paire de socquettes de course afin de vérifier – et après avoir remplacé les semelles de propreté par les semelles orthopédiques – que l’on n’est pas trop à l’étroit. En pratique, il faut pouvoir passer l’auriculaire dans l’espace figuré par le contrefort talonnier de la chaussure et l’os du talon. Rappelons que le pied enfle au fil de la journée et qu’il est préférable de faire l’acquisition des « escarpins de course » après dix-huit heures.

11. En course à pied, plus on se rapproche du haut niveau, plus on constate que les orthèses plantaires font partie de la panoplie des tsars du macadam.

C’est en respectant ces quelques conseils que le port de semelles ne deviendra pas un ‘’handicap » mais, au contraire, contribuera à une reprise harmonieuse de l’activité physique.

HISTOIRES DE SEMELLES

Afin d’illustrer la « preuve numéro onze », voici trois témoignages démontrant, chez les sportifs de haut niveau, l’importance des semelles orthopédiques.

1956 – Michel Bernard (FRA) : un affaissement de la voûte

Le futur double finaliste olympique du 1 500 m en 1960 et 1964 « a souffert toute une saison d’un affaissement de la voûte plantaire. Maintenant, il porte une semelle spéciale qui ne l’empêche aucunement de courir ».

[Sport et Vie, 1958, n° 24, mai, p 72

Épilogue : les années suivantes, Michel Bernard a été douze fois champion de France : en cross (trois titres), au 1 500 m (deux), au 5 000 m (quatre) et au 10 000 m (trois).

1996 – Marie-José Pérec (FRA) : où sont passées mes orthèses …

C’est Eric Bouvat, le médecin fédéral de la FFA de 1986 à 1996 qui raconte l’anecdote : « Un contretemps aurait néanmoins pu la priver du plus grand exploit féminin de l’histoire de l’athlétisme : un doublé 400-200 m à Atlanta dans la patrie du romancier Erskine Caldwell, lequel paraphera un triplé unique olympique après les lauriers-roses de Barcelone : Jambe fines a oublié ses semelles orthopédiques à l’hôtel. Imaginez Jean-Claude Killy sans ses propres chaussures de ski avant son triple exploit de Grenoble !

Cela peut avoir des conséquences catastrophiques lorsque l’on sait le culte que voue la championne à ses pieds, qu’elle fait régulièrement soigner par des pédicures, dans la mesure où ils sont souvent abîmés par les chaussures qu’elle porte habituellement une demi-pointure en dessous de la normale pour ne pas glisser à l’intérieur et s’y sentir tenue.

Par chance, le camp français a pour habitude de prendre les bus réservés aux athlètes quelques deux heures avant l’échéance. Pérec s’aperçoit de sa bévue à l’arrivée au stade. La panique gagne l’entourage, mais François Julliard survient, tel un directeur technique national déguisé en Zorro. En quarante minutes, montre en main, le Clermontois apportera les « stabilisateurs plantaires » et 22 s 12 après la délivrance des starting-blocks, MJP fera son tour d’honneur et enlèvera ensuite sa paire de Reebok avec une pensée émue pour son DTN… qu’elle n’a pas fini de faire courir, à l’image de la cérémonie de remise des médailles, le lendemain, où notre Canne à sucre s’aperçoit qu’elle a (encore) laissé son survêtement dans sa chambre.

Le Zorro des puys lui viendra encore en aide en lui passant sa propre « cape ». « La plupart des athlètes auraient soigneusement caressé puis rangé les semelles bien à l’avance dans le sac de sport. Le plus souvent par fétichisme, observe Eric Bouvat. Elle, sa problématique n’était pas là. Ce qui fait la différence. »

[Alain Gex. – La vérité sur Mademoiselle Pérec. – Paris. – éd. Jacob-Duvernet, 2008. – 239 p (pp 144-145)]

2010 – Rugby – Stade Toulousain – Glasgow Warriors : match reporté pour cause de forfait des … semelles

La rencontre de Coupe d’Europe pour le compte de la poule 6 à Toulouse entre le Stade Toulousain et les Glasgow Warriros, prévue le samedi 18 décembre dernier, a été reportée au mardi 21 décembre pour cause d’absence …. de semelles orthopédiques dans les chaussures des Ecossais.

En raison de fortes perturbations provoquées par la neige, le vol Londres-Blagnac (Toulouse) a pris plusieurs heures de retard. Néanmoins, cela n’était pas un motif suffisant pour reporter la rencontre. Le problème résidait dans le fait que les bagages des Warriors étaient restés bloqués à l’aéroport d’Heathrow et que dans ces conditions ils ne pouvaient pas jouer sans leur équipements habituels tels que semelles orthopédiques, protèges dents, lentilles, etc. les Toulousains, magnanimes, ont bien proposé à leurs adversaires de les équiper de pied en cap. Ces derniers ont légitimement refusé en invoquant un risque pour la santé des joueurs. C’est alors que la presse française, notamment du Sud-Ouest, s’est gaussée en stigmatisant l’excuse « bidon » des semelles.

Une fois de plus, les journalistes sportifs ignorant tout du fonctionnement du corps, ont perdu l’occasion de profiter d’une telle situation pour informer leurs lecteurs sur les aspects médico-techniques du sport et, notamment, de l’importance de semelles qui sont des dispositifs orthopédiques personnalisés. C’est comme si une équipe cycliste devait courir un championnat du monde avec des vélos et des chaussures d’emprunt !

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